Préambule
J’ai choisi de vous parler ce mois-ci de mes grands-parents paternels, Henri et Jeanne Coudret, depuis leur rencontre avant la Grande Guerre, jusqu’à l’Armistice de 1918. Leur couple fut séparé par la Grande Guerre, comme tant d'autres, Redonner vie à un couple, dont on ne sait pas quels furent les sentiments réciproques, est une vraie gageure. Pour en faire une esquisse, il m’aurait fallu au moins une correspondance écrite entre eux, si révélatrice des émotions. Je me suis donc contenté de dérouler ce que j'ai imaginé de leur quotidien à partir, notamment, d'un journal de campagne que mon grand-père tint pendant les premiers mois de la Guerre et de quelques photographies transmises par mes parents. Comme un pivot dans ce dessin, il y aura Saint Mihiel, petite ville de garnison [1] sur la Meuse, où mon grand-père était Lieutenant au 40ème Régiment d’Artillerie de campagne. Henri et Jeanne, née Thibault, jeunes mariés, y vécurent jusqu’à la mobilisation générale. Ils y revinrent quatre ans après. Mais commençons par un début...
Leur rencontre dans le parc du château de Versailles
Henri et Jeanne se rencontrèrent officiellement un beau jour de l’été 1910 dans le parc du château de Versailles. La rencontre eut lieu dans l’allée des Marmousets. Henri, fraîchement sorti de l’Ecole d’application de L’Artillerie et du Génie de Fontainebleau [2], attendait la jeune fille qu’on lui avait proposée dans son bel uniforme de sous-lieutenant, en triant des cartes postales installées sur un tourniquet. Jeanne qui l’aperçut en premier, fut immédiatement conquise [3]. Elle raconta des années plus tard à ma tante Marie, sa fille aînée : « Je voulais me marier avec un militaire, tu comprends, me disait elle. Avant ton papa, on m'en avait présenté un autre qui n'avait su que me conduire au buffet d'une soirée dansante. Avec ton papa, ce fut autre chose.». Elle conclut : « la rencontre fut définitive. »
Jeanne et Henri étaient tous deux issus de la bourgeoisie. Ma grand-mère, née le 7 Février 1890 à Paris dans le IVème arrondissement, avait reçu l’éducation qu'une jeune fille de bonne famille peut attendre. C’est à dire, qu’elle avait fréquenté une institution privée et appris notamment à jouer du piano. Son père, Charles Thibault, avait une charge de commissaire-priseur à Paris et un traitement [4] qui autoriserait certainement une dot conséquente. Henri était né à Versailles le 26 Mai 1885 et fils d’Edmond Gustave Coudret, Général de Brigade d’Artillerie. Polytechnicien, il était promis à un avenir brillant. Leur entrevue fut arrangée par la mère de Jeanne, Henriette Thibault, née Morize et par celle d’Henri, Anne-Marie Coudret, née Ranjard.
En Octobre 1910, Henri fut affecté à Saint Mihiel, au grade de Lieutenant. Avant de partir, il fit la connaissance des frères et sœurs de Jeanne. En 1911, les fiançailles d’Henri et Jeanne eurent lieu à Paris. Et bientôt, Henri demanda, comme il se doit, la main de Jeanne à son futur beau-père, Charles Thibault.
L’Armée donne son avis sur leur union
Mes grands-parents durent attendre encore un an pour se marier. En effet, Henri devait obtenir l’accord de ses supérieurs. l’Armée enquêtait toujours au préalable sur la moralité de la future épouse d’un officier, mais aussi sur la dot qu’elle était susceptible d’apporter à la communauté. Le 23 Octobre 1912, le sésame arriva de la Mairie du IVème Arrondissement, certifiant que Jeanne Marie Thibault était «de bonne vie et mœurs ». Dès lors, le supérieur d'Henri, le Colonel Alexandre Le Gallais émit un « avis très favorable » le 6 Novembre 1912. Plus rien ne s’opposait à leur union.
(source : Archives du SHD de Vincennes)
Le mariage fut célébré en grandes pompes à l’église Saint Gervais, le 27 Novembre 1912, suivi d'une réception dont le plan de table, avec plus de cent convives; fut pieusement conservé par mes parents. La permission expirée, le couple quitta Paris pour Saint Mihiel, tout juste séparée de la frontière avec le « Deutsches Reich » d’une quarantaine de kilomètres, par les Hauts de Meuse.
Henri et Jeanne, à Saint Mihiel avant la Grande Guerre
Henri et Jeanne avaient loué une grande maison à Saint Mihiel, au 18, rue Jeanne d’Arc, non loin de la rive droite de la Meuse. Deux clichés permettent aujourd’hui d’en reconstituer partiellement l’intérieur. Celui d’un bureau et celui d’une salle à manger dont la table est dressée comme pour le repas dominical. Sur la première photo, Henri semble absorbé par l’écriture d’une lettre, une pipe dans sa main gauche. Jeanne est plutôt dans l’attente de quelque chose. Sur la deuxième, Jeanne, l’air amusé, fait mine de partager du pain, à côté de son mari fixant l’objectif du photographe.
D’après les états de service d’Henri, les exercices militaires étaient nombreux en 1913, ne lui laissant peut-être pas beaucoup de temps pour sa maison et son couple. A la fin de l’année 1913, Le Colonel Le Gallais précise à propos d’Henri :« le lieutenant Coudret … a fait toutes les manœuvres… Il tire... avec méthode et sang-froid – Il fera un officier de tout premier ordre.».
En plus des absences de son mari, Jeanne devait faire avec les réceptions officielles. En tant qu’ épouse d’officier, elle se devait d’organiser un jour par semaine, l’accueil à son domicile des officiers accompagnés de leurs épouses. Le carnet d’adresses et jours de réception de Messieurs les Officiers de la place de Saint Mihiel pour l’année 1913-1914, précise que le Lieutenant Coudret reçoit à son domicile chaque Samedi [5].
Au cours du premier semestre de 1914, le temps sembla suspendu. Rien ne vint interrompre la monotonie du quotidien de la vie du couple. Tout juste un stage d'équitation qu'Henri aurait dû effectuer à Saumur. Encore une fois, loin de la maison. Mais l’Histoire en décida autrement. Henri fut finalement maintenu au Corps, à cause de l’arrivée simultanée de deux classes de conscrits [6]. Le nombre de soldats sous les drapeaux en Juillet 1914 et donc immédiatement mobilisables, s’en trouva considérablement accru. Il était temps…
« Mon lieutenant, c'est pour de bon ! »
Le journal de campagne de mon grand-père démarre le 30 Juillet 1914 par ses mots : « Depuis lundi, nous sommes sur le qui-vive. Officieusement, on nous a invités à nous préparer et officiellement, on rappelle les permissionnaires. … J'ai fait ma cantine avant-hier avec Jeanne, il ne me reste plus qu'à y mettre quelques affaires de toilette et elle pourra être chargée. Ce sera en effet le moment de faire vite. »
Le Vendredi 31 Juillet, alors que le député socialiste Jean Jaurès tentait encore l’impossible auprès du Président du Conseil Viviani, pour empêcher une déflagration militaire entre l’Allemagne et la France, Henri écrivit :« Nous nous sommes couchés et endormis comme d'habitude. A minuit, coup de sonnette strident qui nous fait bondir. Avant d'ouvrir la fenêtre, j'étais fixé, Jeanne aussi. Guebels, le pointeur, est à la porte:« Mon lieutenant, c'est pour de bon ».
Jeanne a juste poussé un cri au coup de sonnette et maintenant elle est calme. Je passe un pantalon et vais réveiller Dehaene [7] qui dort à poings fermés. Au bruit de mes pas, une fenêtre s'ouvre de l'autre côté de la rue et une voix de femme m'interpelle:
« Monsieur, qu'est-ce qu'il y a ? »
« Rien du tout, Madame, allez vous recoucher ».
J'entends encore un « Oh ! mon Dieu ! » et la fenêtre se referme.
Dehaene est vite mis debout et Désir [8] sera vite prêt. Remonté, je me dépêche moi aussi, pendant que Jeanne termine la cantine. Elle est, comme elle n'a pas cessé de l'être depuis, extrêmement courageuse; mais nous n'échangeons que peu de mots. Quand je suis prêt, elle me donne ses médailles et nous faisons ensemble la prière, peut-être la dernière. »
A deux heures du matin, le Régiment se mit en route. vers les sommets des Hauts de Meuse. En début d’après-midi, l’ordre fut donné d’établir le cantonnement à Bernécourt, à une vingtaine de kilomètres de Pont-à-Mousson, alors ville frontalière.
Henri et Jeanne se quittent pour une longue année
A deux heures de l’après-midi, Henri eut une grande joie et surprise : « On vient me prévenir que Jeanne est là; elle est venue avec Madame Le Gallais ». Jeanne avait en effet profité de la voiture mise à la disposition de l’épouse du Colonel Le Gallais, commandant le 40ème Régiment d’Artillerie, pour rejoindre son mari. « Nous nous en allons tous les deux dans un pré à l'extérieur du village et quels bons moments quoique si courts! ». Bientôt, Henri et Jeanne doivent se quitter. Ils ne se reverront pas avant une longue année…
Jeanne rentra chez elle et fit sa malle. Elle devait prendre toutes les dispositions pour ranger et fermer la maison. Son mari l’avait persuadé de rentrer dès que possible chez ses parents à Paris . Resté seul, Henri nota dans la soirée : « Vers six heures et demie, grosses détonations qui nous mettent en émoi..». Français et Allemands venaient de faire sauter les voies ferrées entre Metz et Pont-à-Mousson, des deux côtés de la frontière. Au même moment à Paris, deux autres détonations retentirent au café du croissant, rue Montmartre. Jean Jaurès qui dînait là, fut atteint par des coups de feu. Le célèbre homme politique s’effondra, mortellement atteint. Rien ou personne ne s’opposait plus à la guerre. Deux jours plus tard, ce fut la mobilisation générale.
Les premières semaines de la Guerre
Dans la semaine qui suivit le Dimanche 2 Août, il ne se passa pas grand-chose dans le secteur de Saint Mihiel. Après avoir confié les clefs de la maison à des voisins, Jeanne eut même le temps de déposer à l’hôtel du Cygne [9], un paquet avec un certain nombre de petites choses que son mari lui avait demandées, auxquelles elle avait ajouté des fruits. Toujours cantonné à Bernécourt où il faisait faire l’exercice à des réservistes qui arrivaient en complément, Henri reçut bien le paquet. Il nota que « les fruits arrivèrent un peu en marmelade mais tout de même très bons ».
Jeanne dut quitter Saint Mihiel avant le 4 Août, Henri, dont le Régiment stationnait encore à Bernécourt, eut en effet le loisir de redescendre à Saint Mihiel le Mardi 4 Août. Il écrivit : « J'ai fait avec Castelnau un voyage en auto à Saint Mihiel pour aller chercher de la monnaie pour … faire des commissions un peu pour tout le monde... Saint Mihiel est calme; … La maison est en parfait état, propre et rangée comme quand nous partons en permission. ». La poursuite de l’ordinaire en somme pour mon grand-père, sauf que Jeanne était partie de son côté….
En prenant le train à destination de Paris, Jeanne vivait elle dans l’angoisse de savoir son mari, désormais proche des lignes de combat ? C’est possible. Mais elle n’eut pas vraiment le loisir de s’apitoyer sur elle-même et ce qu’elle laissait derrière elle. Pendant tout le voyage, elle remonta le moral de la femme d’un officier d’un Régiment d’Infanterie de Saint-Mihiel qui avait déjà gagné les avant-postes.
Henri ne put donner de nouvelles avant le Mardi 18 Août. Il résuma ainsi l’état d’esprit : « Dans les tout premiers jours un peu d'anxiété et beaucoup d'étonnement en voyant que les Allemands ne nous attaquaient pas, et ensuite l'impatience et presque l'ennui, un peu d'amour propre piqué aussi. La 40ème Division reste à ne rien faire pendant que le 7ème Corps rentre en Alsace. » Henri précise : « Ici, … j’ai un lit... Le pays est assez peu peuplé; tous ceux des habitants qui ont pu s'en aller l'ont fait. C'est peut-être plus prudent et cependant au fond de nous mêmes, nous trouvons cela exagéré. »
Ces nouvelles rassurèrent sans doute Jeanne, installée depuis une quinzaine chez ses parents. Leur accueil avait été chaleureux et réconfortant, mais Jeanne se retrouvait à nouveau dépendante d'eux, dans son ancien rôle de fille aînée. Alors qu'elle tenait sa propre maison depuis deux ans. Très vite, elle se porta volontaire pour une nouvelle vie qui lui éviterait de penser au présent…
Aux avant postes
Les jours suivants, Henri effectua encore quelques services en campagne, c'est-à-dire des mises en batterie accompagnée du commandement : « Tir fictif, fermez les coffres ». Mais dès le 21 Août, les évènements se précipitèrent. . Il se retrouva soudainement aux avant-postes. Son moral est intact : « Le mot d'avant postes sonne agréablement à nos oreilles, depuis bientôt trois semaines d'inaction il signifie pour nous combat. ». Le soir même : « Au lieu de nous faire former le bivouac, le Commandant fait former le parc… C'est une installation horriblement pénible,… Enfin vers 11 heures et le quart, … nous expédions un vague dîner, boeuf et pommes de terre, après quoi … nous allons nous étendre sur quelques bottes de paille à côté de nos ordonnances dans l'écurie. ». Le réveil est d’autant plus pénible quelques heures plus tard.
A deux heures du matin, le 22 Août, l'alerte est donnée. Il règne dans le groupe la plus grande confusion. Résultat : La section d’Henri se retrouve séparée de sa batterie. Après quelques péripéties, il retrouve son groupe. Il note au passage les premiers chevaux morts, puis les premiers blessés « français ou boches ». Du côté de Joppécourt. Les balles sifflent. Le groupe met en batterie. Devant lui, la bataille a commencé.
« le Capitaine Guth derrière la batterie a un panorama splendide et je vais... le rejoindre pour regarder Fillières que nos fantassins (154ème et 155ème) abordent; .... Puis nous voyons des masses de boches monter du ravin à l'Est de Fillières... Nous nous mettons à tirer fort dessus… Il peut être 10 heures ou 11 heures, ... ce malheureux village flambe, on peut dire, d'un bout à l'autre. … mais il arrive... des Allemands de partout, que nous ne voyons pas et la 79ème Brigade ne peut plus progresser. Devant cette situation, le Commandant nous fait refranchir la crête… Tout à coup, il est près de 6 heures, un grand flottement se produit dans la ligne d'infanterie, pas de cris, mais fantassins et chasseurs dévalent la pente au pas gymnastique. Nous nous retournons et nous voyons arriver, derrière nous, et venant de notre flanc droit, dans la cuvette où sont nos avant-trains une cinquantaine d'obus allemands... Le Colonel n'est pas là et la liaison est rompue avec lui; par contre le Général Hache est sur la route, près de nous et donne au Commandant l'ordre de retraite, direction Spincourt ».
Fort heureusement, la retraite ne signifia pas débâcle. Fin Septembre l’avancée Allemande était stoppée [10], Henri et sa batterie [11], s’installent à Troyon sur la rive droite de la Meuse, non loin de Saint Mihiel, devenue allemande entre temps. Henri entre dans un nouveau quotidien : celui des tranchées qui durera quatre ans. Dans son journal : « vers dix heures du soir, nous avons des parapets de plus de 4 mètres de large et les pièces sont presque complètement enterrées. La pluie est d'ailleurs venue se mettre de la partie. Nous pouvons à ce moment manger un peu et ô joie ! Nous voyons apparaître un éclaireur avec du tabac et chose plus précieuse encore un gros paquet de lettres où j'ai heureusement ma bonne part.... »
Alors qu’Henri s'adapte à ses nouvelles conditions de survie, Jeanne a démarré une nouvelle vie à l'arrière. Sa mère Henriette Thibault, écrivit à une de ses cousines le 28 Août : « Ma fille Jeanne est très courageuse. Elle a été acceptée dans une ambulance des environs et attend l'arrivée de blessés pour entrer dans ses fonctions. Elle voulait absolument s'occuper utilement pour ne pas trop s'absorber dans ses pensées. ». Les blessés ne tardèrent pas à arriver par wagons entiers. Jeanne s’absorba dans son nouveau rôle de dame infirmière au service chirurgie de la Société Française de Secours aux Blessés Militaires, à l’hôpital auxiliaire N° 13 à Versailles.
En à peine un mois, le quotidien d'Henri et Jeanne venait d’être définitivement bouleversé par la guerre.
La poursuite de la Guerre
Henri, devenu Capitaine en Janvier 1915 au 25ème Régiment d’Artillerie, resta aux avant-postes, notamment dans les attaques meurtrières des Eparges et de Calonne. Après l’affaire des Eparges où il fut décoré de la médaille militaire, il obtint enfin une permission le 31 Juillet. Après un an de séparation, il retrouva Jeanne à Versailles chez ses parents au 15, rue d’Angiviller. Mais bientôt il dut repartir au front, au nord de Saint Mihiel. Pour eux cette nouvelle séparation ne se termina pas par une tragédie. Fort heureusement. Mais elle dura encore trois longues années, ponctuées par quelques permissions sans doute, mais aussi des congés de convalescence pour Jeanne, et pour aller auprès de son mari blessé par un éclat d’obus pendant la bataille de la Somme en 1916.
En 1918, alors que Jeanne était affectée à la lingerie de l’hôpital Dominique Larrey à Versailles, Henri effectua des stages en Etat-Major, à Senlis d’abord, puis à Melun. Petit à petit, le couple se retrouva. La fin de la guerre se profilait enfin. Henri et Jeanne ne désespéraient pas de retourner un jour à Saint Mihiel. Mais pour l’heure la petite ville était encore aux mains des Allemands. Ils ne se faisaient pas beaucoup d’illusions sur ce qu’ils y retrouveraient…
Retour à Saint Mihiel
La quasi-totalité des militaires de Saint-Mihiel avaient quitté la ville dès le début des combats en 1914. A partir du 22 septembre et en quelques jours, les Allemands s'emparèrent des Hauts-de-Meuse. La ville tomba dès le 24 septembre. Côté français, quand le front se stabilisa, on commença à parler du « Saillant de Saint Mihiel », c'est-à-dire que Saint Mihiel fut en première ligne pendant toute la guerre et soumise à des bombardements. Ce qui restait de la ville fut libérée par les américains les 12 et 13 Septembre 1918. C’est dans ce contexte qu’Henri et Jeanne obtinrent un laissez passer pour revenir chez eux.
Le Vendredi 20 Septembre 1918, ils partirent ensemble et couchèrent à Bar-le-Duc. Le lendemain, ils arrivèrent à 06h00 du matin dans Saint Mihiel. Leur quartier était très abîmé :. leur maison, réduite à un tas de pierres où l'herbe poussait. Les habitants restés sur place, furent heureux et émus de les voir. Mme Panetier, femme du forgeron, et sa fille leur avaient sauvé différentes choses. Grâce à leur énergie et à leur présence d'esprit.. « Six fois, il a fallu changer de cachette et il y a 4 mois encore, tout le linge de maison était sauvé. Quand des Allemands découvrirent une des cachettes.....» Henri et Jeanne récupérèrent ce qu'il purent. Le reste fut mis en en dépôt chez Monsieur le Curé. Celui-ci en les voyant, les embrassa, Après avoir cheminé tout le jour, bien émus, mais satisfaits toutefois, car ils ne croyaient pas en retrouver tant, ils prirent le chemin du retour.
Epilogue
A la fin de la guerre, Henri continua sa carrière. Il fut admis à suivre les cours de l’Ecole Supérieure de Guerre. Jeanne et Henri emménagèrent à proximité de l’Ecole Militaire à Paris. Jeanne, après deux fausses couches, mit au monde mon père, Bernard, né le 23 Avril 1921 dans le 15ème Arrondissement. Devaient suivre huit autres enfants. Pour Jeanne, la séparation imposée par le conflit avait signifié, comme pour beaucoup de femmes à l’époque, le début d’une autre existence sociale que celle à laquelle son éducation et son mariage la prédestinait. A l’Armistice, elle retrouva son rôle initial de maîtresse de maison d’un officier de carrière. Bientôt celui de mère. Il fallait repeupler la France….
Notes de fin
[1] La ville, restée française au moment de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par les Allemands en 1871, accueillait depuis 1894 le 40ème Régiment d’Artillerie de Campagne, dépendant de la 40ème Division d'Infanterie, rattachée au 6ème Corps d'Armée, subordonnée au début de la guerre en 1914 à la IIIème Armée.
[2] A la sortie de l’Ecole Polytechnique, dont il avait été boursier, en Juillet 1909, Henri avait choisi l’Artillerie. A l’instar de son père, Gustave Edmond Coudret, qui était lui-même sorti de l’Ecole Polytechnique en 1870.
[3] Je rapporte ici des propos de ma tante Marie. Par ailleurs, le Colonel Le Gallais, note en Octobre 1913 sur les états de service de son subordonné que « Coudret est de beaucoup le lieutenant le plus complet et le plus distingué du régiment… ».
[4] Dans la bourgeoisie, on ne parlait pas de revenus mais de traitements à cette époque. Le travail salarié était destiné aux ouvriers.
[5] Dans chaque Régiment, on trouvait ainsi des officiers volontaires pour occuper les soirées chaque jour de la semaine, à l’exception du Dimanche. Repos dominical oblige.
[6] Le parlement avait en effet voté la loi des 3 ans. Cette loi prévoyait de maintenir le service militaire sur trois années au lieu de deux en vigueur depuis 1905. Les conscrits de 1911 effectuèrent donc un an de plus. Le nombre de soldats sous les drapeaux début 1914 et donc immédiatement mobilisables, s’en trouva considérablement accru. Il était temps…
[7] Sans doute un homme de troupe, sorte de domestique militaire attaché à mon grand-père, encore appelé l’ordonnance de l’officier.
[8] Le cheval de mon grand-père. Il fut obligé de l'abattre en Septembre 1914. Le pauvre animal avait été touché par un éclat d'obus.
[9] Quartier général de la 4ème Division d’Infanterie, dont dépendait Henri
[10] C’est la bataille dite de Revigny où les Allemands doivent s’arrêter, du fait notamment du recul de leur propre Armée sur la Marne le 10 Septembre
[11] Le Capitaine Guth avait été blessé début Septembre et évacué. Il confia la commandement de la Batterie, c'est à dire deux sections, soient quatre canons à Henri. , Henri conserva ce commandement jusqu'en Décembre, date à laquelle son Capitaine revint. Henri venait d'être nommé Capitaine et allait être muté au 25ème Régiment d'Artillerie.
Magnifique article, illustré avec des photos oh combien précieuses. C'est un bel hommage à Henri et Jeanne dont l'histoire se termine bien.
Très bel article agrémenté de belles photos de famille. Un patrimoine familial précieux à préserver !
Bravo Régis !
C'est vraiment un très bel article sur une histoire de couple qui heureusement se termine bien. Quel chance d'avoir tous ces documents de famille. Magali